Parmi les traumas de caractère sexuels, l’offense faite à l’enfant au sein du milieu familial mérite une attention partiuclière. En premier lieu, intéressons-nous à l’inceste. Trauma spécifique et lourd de conséquences.
La réalité de l’abus sexuel sur de jeunes enfants est bien plus fréquente qu’il n’y paraît. Ils sont nombreux à souffrir en silence, dans le secret… se sentant presque coupables de ce qui advint dans un temps de leur passé. Quelque terrible que soit cette réalité, il importe de savoir, de s’informer, cela ne concerne pas les « sous-classes » de nos sociétés quiètes et confortables, cela nous touche tous de près. Ce n’est ni un drame de la misère, ni un aspect sombre mais exceptionnel de nos sociétés.
La marque spécifique de l’inceste sur sa victime
La personne adulte qui aurait été victime d’inceste ou de violence durant son enfance présentera des caractéristiques spécifiques qui permettent de supposer rapidement l’existence d’une stase psychique. Nous trouverons des caractéristiques identiques chez ceux qui auraient eu à subir des faits de guerre, des exodes forcés ou des violences de sang. Mais l’inceste inflige une marque spécifique : la violence vient d’un parent ou d’un adulte ayant autorité. Le sentiment de trahison qui survient est non seulement très prégnant mais il est au point de fondation de la personnalité.
Devenu adulte, tout se passe comme si une personnalité de surface s’était constituée. La blessure de l’enfance aurait occasionné une lésion telle que l’énergie psychique aurait été conduite à trouver d’autres circuits en évitant les zones douloureuses de la mémoire et de la psyché. Tout se passe comme si une sorte de cal s’était créé et des circuits dérivés cherchaient à reconstituer l’entité humaine avec le maximum d’énergie disponible.
Il y a donc une faille dans la structure globale de la personnalité. L’Ego se forme à partir de représentations qui ne sont plus approvisionnées par une continuité de l’histoire de la personne. Dans sa vie, cet adulte se reconstitue de manière quasi instinctive car l’élan naturel qui conduirait à s’en remettre aux parents est désormais coupé. Le lien de confiance, fondamental dans l’édification e la personnalité a été gravement blessé.
Par-dessus ce cal, l’énergie psychique recrée donc un Ego de substitution, sans racine. Il flotte dans un lieu et un temps sans véritable lien avec le passé, ou si peu. On a parfois l’impression de se trouver face à des personnes froides ou distantes, « pas présentes » à la réalité. Comme si le sujet se noyait dans un monde de rêveries. Parfois certaines de ces personnes surcompense cette blessure en « en faisant trop » ! Autre manière de cacher la plaie et d’attirer un peu d’amour. Comme si, être simplement soi-même ne pouvait suffire.
Chez un individu qui aurait vécu une histoire banale, le contact au monde – la réalité physique objective -, se constitue à partir des sensations, des émotions et des intuitions et c’est grâce à la relation souple à toute l’histoire du sujet que des représentations naissent de ces « affects » pour conduire à une action judicieuse et contrôlée. De plus, ces représentations résultent de l’apport parental primaire qui permet une rapide réponse aux sollicitations du milieu.
Chez les victimes d’inceste ce lien à l’histoire n’existe pas ou bien il se trouve fortement altéré. La trahison de l’adulte a fortement lésé cette faculté de l’enfant à s’abandonner et à faire confiance. L’Ego se constituera plus tard une sorte de peau par imitation de modèles externes car ce qui prime, c’est bien la cohésion de la psyché, donc l’exercice d’un contrôle minima de la dynamique psychique. Cette cohésion contrôlée s’opère sans relation avec « la profondeur psychique » : l’histoire du sujet et toutes les représentations qui pourraient en découler.
Cette cohésion n’est pas non plus reliée au patrimoine « génétique », l’histoire des parents et de la famille, ce qui peut s’avérer très grave. En effet, l’individu se retrouve un peu comme un exilé qui parviendrait dans un pays sans rien en connaître et qui serait obligé de s’adapter par le seul effet de sa sensibilité aux comportements des autres sans qu’il en comprenne tout à fait le sens. D’où cette apparente déconnexion émotive, ce semblant de froideur. Il n’y a pas d’adhésion globale, profonde aux faits de la réalité.
On trouve d’ailleurs chez les exilés de force ce même type de distance au monde. Les actes quotidiens, la personnalité globale sont déconnectés du sens des choses.