Ce qu’il faut éviter

Vous trouverez de nombreux conseils pour faire face à un psycho-traumatisme. Certains sont hautement fantaisistes mais ils se répètent à l’encan…

Vous ne trouverez ici que les conseils issus d’une longue expérience d’accompagnement des victimes de traumas. En fait il ne s’agit pas d’éviter telle ou tel comportement mais plutôt d’en proposer certains…

Nous avons vu que la souffrance induite par un trauma appliqué durant une longue période provoque une sorte d’auto empoisonnement de l’organisme. Les réactions personnelles vont dépendre de l’histoire du sujet, de l’influence du milieu mais aussi de sa structure personnelle autrement appelée tempérament.

Certains sujets développent alors des réflexes de forcing. Conséquence d’une volonté de ne pas se laisser aller. Le trauma est banalisé, ses conséquences minorées voire ignorées.

D’autres sujets se terrent, encaissent sans trop broncher… Au résultat ils se confinent peu à peu dans des attitudes restrictives de confinement. Leur territoire de vie s’amenuise jusqu’à ce qu’ils trouvent un carré parfaitement sécurisé au sein duquel ils peuvent facilement contrôler toute forme d’intrusion

Nos premiers sujets useront facilement de médicaments pour pallier les inconvénients consécutifs aux impacts divers qui suivent le traumatisme. Leur effort pour nier la profondeur du malaise les amènent à trouver diverses justifications rationnelles à l’usage de médicaments. Ils fragmentent les troubles psycho-traumatiques, ainsi chacun trouvera un remède approprié. Ils peuvent ainsi s’abuser très longtemps, même des spécialistes aguerris peuvent être dupés. Quant à l’entourage proche, il peut n’y voir que du feu. Mais des sources de conflit peuvent apparaître qui trouveront des justifications très rationnelles sans lien avec le trauma d’origine.

Les sujets qui se terrent useront de médicaments avec des justifications différentes. La personne n’est pas dupe de la source du malaise mais elle n’en partage la confidence qu’avec des personnes soigneusement sélectionnées tout au long de la délimitation du territoire restreint qu’elle occupe désormais.

Tenir compte de la dimension du sujet c’est d’abord valider ce qu’elle est et ce qu’elle propose comme vérité sur sa vie. On peut se demander alors comment venir en aide à ces personnes.

Chacun de ces sujets a créé une forme de vie dont les valeurs reposent sur la nécessité de survie. Vouloir y toucher avec la meilleure conscience du monde ne sert strictement à rien.
C’est seulement si la personne parvient à faire le lien entre ses comportements du moment – tout au moins certains d’entre eux – et un trauma ancien qu’une ouverture pourra se faire vers un début de verbalisation, plus tard peut-être vers une thérapie.

Comme cela a été suggéré en tête, il ne s’agit pas de « pas faire, pas faire ça ! » mais de « pourquoi pas … !

Ouvrir le champ des curiosités en se fiant à tout ce que vers quoi le sujet se porte de manière spontanée, nourriture, habillement, loisirs, etc.

Que s’agit-il de faire ? Retrouver le chemin de l’instinctivité innée, spontanée et, surtout, qui ne coûte rien, qui n’effraie pas, qui dérange peu les habitudes et l’entourage.

Nous avons que l’organisme développe de puissantes capacités de maintien de la vie – en ce qu’elle a de riche et de créatif. Ces dispositions sont le fait de l’espèce. Le trauma en a lésé partiellement le potentiel de réalisation.
La guérison passe par la réhabilitation de ces formes instinctives de réintégration de la vie. Pour contourner les barrières qui bornent de toute part un territoire restreint, ce sont de petites choses qui parviennent à passer le filtre des limites. Ces petites choses sont souvent représentées dans les rêves, voire des cauchemars. Un petit animal qui s’introduit dans la maison, parfois un intrus plus imposant. Ce peut être un nain au comportement amusant, pitoyable qui fait un cadeau que la conscience trouve insensé…

Le principe d’homéostasie – qui est souvent évoqué dans ces pages – trouvent de multiples ruses pour faciliter une plus grande porosité entre les strates primaires, voire primitives de l’organisme et les couches supérieures supposées plus raisonnables. (Lire de A. Damasio, L’erreur de Descartes)

Dans nos sociétés très structurées, les formes primaires de l’instinct et de l’émotionnel sont aliénées, il en résulte de fortes déficiences dans la capacité de chacun à inventer de nouvelles adaptations. La culture y supplée. Or, c’est la capacité instinctuelle de l’être qui lui permet de créer de nouvelles attitudes. Toute autre forme d’adaptation risquerait de recréer un lien de dépendance au noyau traumatique. Je dis clairement que la culture crée dans ce cas un double traumatisme, la conformité à des règles génère une aliénation. Un sujet réactif sans lésion psycho-traumatique peut faire la part de ce qui lui revient de ce qui aliène sa spontanéitié, pas une victime de trauma.

Ces petites choses qui s’introduisent dans la vie du sujet sans que sa conscience étroite y voie d’inconvénient sont porteuses d’une telle capacité de recréation.

La dignité de soi, prendre soin de soi

Protéger Restaurer la dignité de soi ! C’est un conseil que l’on voit souvent donné. Il y cependant une condition primordiale à respecter : le Soi dont il est question ici est celui du sujet quelqu’il soit, non celui d’une image que la culture se fait du bien être ou du soin de soi.

Un exemple édifiant : Bien des personnes souffrant de séquelles post-traumatiques montrent une tendance au surpoids. Notre société a largement développé une ‘grosso-phobie’ et cette culture du manger-cinq-fruits-et-légumes-par-jour induit tout naturellement à conseiller à ces personnes de prendre soin de soi en adoptant cette règle fondamentale du cinq-aliments-de santé-par-jour… Et c’est ainsi qu’une nouvelle couche de remords et de sentiment de salissure vient s’ajouter à celle que le trauma a longuement consolidée.

Prendre soin de soi pour ces personnes, c’est d’abord prendre soi de ce qu’elles sont là, maintenant !

Vous pouvez développer ces recommandations à l’envie, auprès de personnes anorexiques, ou auprès de celles qui sont convaincues que faire deux heures de jogging pour pallier vaincre leur souffrance…

Je ne dis rien contre ces recommandations de santé si elles s’appliquent à une population indemne de toute lésion psycho-traumatique, je dis simplement que pour des personnes souffrant de ces troubles elles sont non seulement inefficaces, qu’elles peuvent en outre accroitre la souffrance et faire barrage à la guérison.

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