Les étapes de la guérison

Nous avons vu que la puissance d’impact d’un trauma et sa permanence dépendaient du temps d’intervention du facteur traumatique et de sa puissance.
On peut avoir une idée de la puissance d’impact non par une évaluation extérieure au sujet, laquelle se voudrait objective mais à la mobilisation émotionnelle du sujet. Il faut redonner pleine place au sujet donc à sa subjectivité.

Par exemple, lors d’un accident de la route, les passagers du véhicule accidenté ne réagiront pas tous de la même manière. Certains se sentiront rapidement hors de danger tandis que d’autres vont vivre de longues heures d’angoisse, voire des nuits sans sommeil. Inutile de prendre les premiers pour des héros, les seconds pour des personnes « fragiles ». La valeur que le sujet accorde à sa souffrance prime sur toute autre forme d’évaluation.

Au sein du CAVACS, notre expérience nous a permis de mettre en évidence les étapes de la guérison. Et nos constats rejoignent en tous points ceux que des chercheurs nord-américains ont eux-mêmes mis en évidence.

L’importance d’une approche du sujet, la notion de strates temporelles

Christine Courtois et Julian Ford (2015) fournissent une feuille de route très détaillée pour accompagner les survivants adultes de traumatismes psychologiques complexes. Leurs recherches pour aider les sujets à guérir d’une atteinte post-traumatique leur ont permis de montrer que le sujet adulte soufrant de détresse post-traumatique traverse trois phases clairement définies durant le processus de guérison.

Phase 1 : Safety, Stabilization and engagement – Measured in skills

Phase 2 : Trauma Memory, Emotion processing

Phase 3 : Application to the present and future

En observant des sujets, tout au long de leur accompagnement, j’ai pu également distinguer plusieurs phases dans l’évolution de l’accompagnement des rescapés adultes de traumas. Deux temps neufs phases. Il ne s’agit pas de distinguer des phases d’une progression linéaire, du pire vers le mieux… L’évolution paraît même parfois chaotique. Il y a des raisons à cela. En effet chaque événement de la vie peut réveiller une strate douloureuse du complexe traumatique et faire ressurgir des ‘démons’ que l’on croyait assoupis.

Globalement le processus est le suivant :

00-Évaluation/Découverte de sa souffrance par le sujet –1-Consolidation de l’espace conscient – 2-Renforcement de l’image soi –3-Cautérisation – 4-Nouveaux apprentissages et 5-Premières inflexion comportementales – 6-Consolidation et 7-Inscription au temps – 8-Autonomie sur un nouveau territoire de vie.

Les questions du Temps et du Territoire sont cruciales, Nous ne faisons que les esquisser ici.

Phase 1 – Sécurisation, stabilisation et engagement, mesurés en valeur

L’action thérapeutique passe d’abord par la cautérisation de la lésion et cela n’est rendu possible que par le renforcement préalable de cette structure que l’on nomme Conscience de soi. (A. Damasio, vous pourrez vous référer à ce concept dans les pages consacrées à la Structuration de l’organisme)

Une fois le facteur traumatique passé, chaque sujet développe sur son territoire de vie une sorte de pôle d’excellence. Chez la plupart des sujets souffrant de traumatisme il existe un champ de vie dans lequel toutes les ressources sont mobilisées et opérationnelles. Il arrive même, parfois, que certaines facultés y soient démultipliées. Il s’agit d’un phénomène compensatoire qui découle de l’utilisation de l’énergie bloquée par la zone traumatique et ainsi rendue disponible pour un usage particulier. Ce champ d’activités optima a échappé aux séquelles du trauma et le sujet l’a construit avec ses propres ressources. Il échappe donc au phénomène d’emprise du prédateur.

Par exemple, ce sera l’activité professionnelle pour certains, pour d’autres ce sera un loisir cependant que certains s’investiront dans un outil de créativité. Sans soutien ni orientation ce champ risque de faire écran à la souffrance muette voire de favoriser le déni et une forme d’unilatéralisation de la conscience. La surcompensation apparaît dans ce domaine que le sujet protège car il le sent comme lui appartenant totalement.

À partir du témoignage de la personne, on peut dresser une carte de cet espace libre et s’en servir pour amorcer un processus de réparation…

C’est à partir de l’observation de ce domaine préservé que l’on pourra conduire une progressive reconnaissance de soi par le sujet en prise avec ses craintes, ses anxiétés et, surtout, son hyper-vigilance.

Il est important de repérer, dans un premier temps, les lieux où et comment cette conscience a pu s’installer en dehors des effets destructeurs du trauma. Ce sera soit une profession, un sport, un loisir, un art, voire une technique de méditation, etc.

Chez la plupart des sujets souffrant de traumatisme il existe un champ de vie dans lequel toutes les ressources sont mobilisées et opérationnelles. Il arrive même, parfois, que certaines facultés y soient démultipliées. Il s’agit d’un phénomène compensatoire qui découle de l’utilisation de l’énergie bloquée par la zone traumatique et ainsi rendue disponible pour un usage particulier. Ce champ d’activités optima a échappé aux séquelles du trauma et le sujet l’a construit grâce à ses propres ressources. Il échappe donc au phénomène d’emprise du prédateur. C’est un espace où le sujet réussit à conquérir u peu de liberté.

Par exemple, ce sera l’activité professionnelle pour certains, pour d’autres ce sera un loisir cependant que certains s’investiront dans un outil de créativité. Sans soutien ni orientation ce champ risque de faire écran à la souffrance muette voire de favoriser le déni et une forme d’unilatéralisation de la conscience. La surcompensation apparaît dans ce domaine que le sujet protège car il le sent comme lui appartenant totalement. Cette unilatéralisation du champ de conscience est souvent assimilée à une psychorigidité ou à une forme de rébellion infantile. Retour au sujet ! Il s’agit de l’effet d’une souffrance extrême dont le sujet ne parvient pas à se débarrasser.
Si vous souffrez d’une rage de dent et que vous n’avez rien à disposition pour atténuer votre souffrance, que se passe-t-il en vous ? Même réponse pour ces sujets dont les souffrances ont été longtemps négligées.

Partant du témoignage de la personne, on peut dresser une carte de cet espace libre et s’en servir pour amorcer le processus de réparation…

Phase 2 – Traitement de l’émotionnel et de la mémoire

Élargissement – structuration – intégration – ré-exploration du passé – Inscription au temps

Structuration

Sur ces lieux intérieurs l’entreprise de restauration de l’être peut trouver des appuis et des modèles. C’est en revalorisant leur place que le sujet parvient à sortir du premier dédale de ses souffrances en éprouvant le caractère positivant de la restauration de l’image qu’il a de lui-même.

Tels pourraient être les premiers pas d’un être qui fut longtemps le pantin passif d’un chaos terrifiant et qui conçoit enfin qu’il lui est possible d’être acteur de sa construction.

Intégration

Désormais plus autonome et agent, le sujet peut songer à l’intégration progressive des strates de son passé à sa vie présente. Le sujet ne se sent plus ni sale ni honteux de cette vilaine blessure, si elle demeure une marque de son passé, elle n’est plus un lien d’emprise. (Certains psychologues évoquent le lien d’attachement qui lierait le sujet à son psycho-traumatisme. Une telle formulation renforce la culpabilité fréquente chez ces sujets. Serions-nous responsables de ces malheurs causés par des facteurs externes ? C’est la question que cette formulation nous conduit à poser. La réponse est « assurément non ! » Or, dans le cas d’un psycho- traumatisme c’est le complexe traumatique qui « s’attache » au sujet et qui aliène une partie de son énergie)

Je demandais à une jeune femme pourquoi elle ne parlait pas des maltraitances subies dans l’enfance à son ami : « Parce que j’ai honte ! », me répondit-elle. L’intégration, c’est la possibilité enfin présente de retrouver les espaces de honte comme parties intégrantes de l’histoire personnelle sans crainte, ni haine ni déni. La phase d’évaluation doit parvenir à cette intégration partielle sans laquelle rien n’est possible. (00-Évaluation/Découverte de sa souffrance par le sujet)

Phase 3 – Réintégration au temps

Qui correspond à la phase trois de Christine Courtois, Application to the present and future. Une fois ce travail d’intégration effectué, le travail d’histoire – celle de soi – peut s’achever en permettant au sujet de s’approprier le déroulement de sa propre histoire. Désormais, cette reconstitution ne dépend plus des autres, les parents, les souvenirs des autres, etc. ni des lambeaux de la mémoire traumatique, flashback, fantasmes, rêves, etc. mais d’une mémoire dont il se sera réapproprié l’étendue à mesure de sa progression. En terme neurophysiologique, la mémoire autobiographique intègre en son sein les lambeaux de la mémoire traumatique.

Selon la violence du trauma et sa durée, cette mémoire présentera des plages vides qu’il sera impossible de combler et cela sera probablement irréversible mais ce manque, ce vide d’histoire ne sera plus la source de menace qu’il était auparavant.

La mémoire épisodique permet à l’individu de se voir en tant qu’acteur des événements mémorisés. Le sujet mémorise non seulement un événement qu’il a vécu, mais tout le contexte particulier de cet événement. C’est cette composante de la mémoire qui est le plus souvent touchée par les amnésies consécutives à des traumas. De plus, la charge émotionnelle vécue par le sujet au moment des faits conditionne la qualité de la mémorisation épisodique.

Une fois, tous les systèmes d’intégration et d’apprentissage restaurés, le sujet se retrouve en capacité d’être « complet », acteur de sa vie.

Ré-exploration du passé

C’est le moment de redécouvrir le passé sans les ‘submergements’ émotionnels que le sujet a longtemps connus. Il ne s’agit ni d’un temps du pardon ni celui de l’oubli.

Temps et Territoire

C’est aussi l’inscription dans un territoire. Les éléments de la vie se remettent en ordre et le sujet intègre de nouvelles expériences dont les affects sont débarrassés des scories du passé. Cela veut dire que l’événement présent peut être envisagé de manière lucide et pertinente car la conscience n’est plus polluée par les souvenirs du passé. Ce dernier n’est pas effacé ni nié dans son importance. Il se met à sa place, dans un temps donné, celui du trauma.
Cependant la blessure occasionnée par le facteur traumatique et toutes les strates de vie qui se sont déroulées depuis n’ont pas bénéficié de l’accompagnement conscient dont elles avaient besoin. Au fur et à mesure que nous grandissons, nous acculons des expériences dont nous tirons des leçons. Cela nous permet d’ajuster nos comportements et nos attitudes en mettant de côté des préjugés, des craintes, des illusions. Quand une poche traumatique se constitue en complexe autonome, avec ses irruptions émotionnelles incontrôlées, une part non négligeable des expériences ne peut s’intégrer de manière optima. Il en résulte des vides dans la vie de l’individu rescapé, des incapacités sociales, créatives, intellectuelles… Il les lui faudra combler à mesure que sa vie reprendra cours. L’analogie est celle des polytraumatisés, accidentés de la route qui doivent lentement réapprendre les réflexes habituels de la vie domestique, réapprendre à marcher, à articuler, etc.

Une part importante de l’être est sortie du tunnel, elle réapprend la lumière. Et cela ne se fait ni en un jour ni par un coup de thérapie magique.

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