Se pose maintenant la question de la traduction de ce panorama en termes psychologiques et plus précisément de leur transcription dans les temps d’une thérapie. À la lecture des éléments posés plus haut, on comprend que le mode d’une thérapie unique devient incertain ou impossible.
Plus encore, prenant en compte la complexité des systèmes mis en jeu, quel terme utiliser pour désigner la voie d’une guérison, vu que ni le pur biologique ni le pur psychologique, dans l’état actuel de nos développements, ne permettent de faire face au problème posé par le besoin de guérison. S’agit-il d’une harmonisation, d’une rééquilibration ou d’une rééducation ?
Le terme intégration m’apparaît préférable car il rend compte d’une unité, celle de l’organisme en son ensemble.
Ensuite, quid de l’évaluation du processus de guérison ?
Nous avons vu que les thérapies fondées sur le symptôme peuvent favoriser un déplacement de ces symptômes ou bien une conversion de ces derniers, passage d’un symptôme psychique à un symptôme organique ou inversement.
En outre le noyau traumatique ou complexe autonome peut demeurer ignoré et projeter au cours de l’existence du sujet d’autres formes de signes ou symptômes. Le caractère différé de l’effet traumatique n’est pas assez pris en compte et peut parfois passer pour une guérison. On peut, en effet, être un jour guéri d’un sentiment de culpabilité très inhibiteur, à un moment de notre vie, et voir apparaître des années plus tard un besoin incoercible de tout contrôler. Si l’on fait face de manière séquentielle en prenant en compte chaque symptôme à ces différents moment de notre vie, le lien commun, la source commune – le noyau complexuel – risquent de passer inaperçus.
Ce peut être une option, un choix de santé lié au besoin d’une certaine qualité de vie mais le professionnel ne peut ignorer cela ! Question d’éthique ! Et le sujet, me semble-t-il mérite d’être informé d’une telle probabilité : l’abolition d’un symptôme ne signifie pas forcément que la guérison soit complète.
Mais, pourrait-on se dire : cela n’aura jamais de fin !
On retrouve alors, sous une forme ou une autre, la critique majeure faite aux psychothérapies d’orientation psychanalytique.
Nous sommes alors devant un paradoxe étonnant : alors que nous disposons de tous les outils expérimentaux et théoriques solidement ancrés dans une perspective scientifique, il paraît surprenant de ne pouvoir proposer des outils de guérison fiable, évaluables, transmissibles et aux limites repérables.
Dans la réalité, celle de l’histoire de la psychologie et de la neurologie – notamment dans ces 30 dernières années, tous les outils existent mais ils ne sont réunis par aucune vision globale et unitaire de la personne.
Cela repose sur deux pôles :
- • le morcellement et le fractionnement qui découlent tous deux de notre représentation actuelle du monde et de la vie. Une certaine vision scientifique repose sur le fractionnement, de l’infiniment grand à l’infiniment petit ;
• le morcellement qui en découle est celui des écoles et des tendances des sciences humaines dans leur globalité.
Aux États-Unis, de nombreux psychologues ont apporté des solutions opérationnelles, appuyées par des années d’observation. Je citerai principalement le travail de Christine Courtois et son équipe ainsi que Julian D. Ford. (Treatment of Complex Trauma: A Sequenced, Relationship-Based Approach, The Guilford Press, New York, novembre 2015)