La Réintégration des Fonctions Vitales de l’Organisme suppose de mieux comprendre le fonctionnement de ce dernier non comme un ensemble de fragments, une sorte de mécanique complexe mais démontable et reproductible mais comme un tout au sein duquel interagissent des système complexes et interdépendants.
Depuis la naissance de la psychologie nous n’avons pas conçu de vision globale susceptible d’englober l’ensemble des mécanismes vitaux qui entrent en jeu quand le vivant évolue au sein d’un milieu donné.
Or les neurosciences, sous l’impulsion d’un précurseur comme Henri Laborit et grâce à des continuateurs comme A. Damasio et Francisco Varela nous proposent des perspectives extrêmement porteuses.
La représentation qu’ils nous proposent de l’être humain en son milieu intègre autant ce que nous déléguions avant au psychisme que ce qui relevait du somatique selon la médecine.
Selon eux tout organisme vivant évolue en permanence dans une interdépendance entre l’interne – l’organisme – et l’externe – le milieu.
La surface de contact est constituée du « bouclier » sensoriel qui réagit à la rencontre de n’importe quel objet en éveillant des émotions lesquelles, reliées à d’anciennes représentations – imago –, permettent rapidement à l’organisme de réagir à son tour de la manière la plus pertinente qui soit. (Nous reviendrons de manière plus explicite sur la notion ambiguë de pertinence de l’action)
Le cerveau au centre
La mise en relation de l’image du corps avec l’image de l’objet permet au cerveau de « comprendre » l’événement en cours et d’émettre une décision pertinente qui induira par la suite une action appropriée pour une plus fine adaptation aux changements survenus. Nous verrons plus loin que les signaux d’alerte sur le danger potentiel induit par une décision ou par une action sont multiples et ils permettent ainsi de fonder une évaluation.
« Les marqueurs somatiques aident ‘le processus de libération’ à se réaliser, en mettant en lumière certaines options (soit dangereuses soit favorables), et en permettant rapidement de ne plus avoir à les compter parmi celles à envisager ». Ils interviennent « de façon à évaluer les scénarios extrêmement divers du futur envisageable ». (A. Damasio, L’Erreur de Descartes, Odile Jacob poches, p. 241) Ils visent une action juste avec le moins de dépenses possibles pour l’organisme.
Efficience de l’action, économie de l’énergie dépensée dans l’action, capacité de prolonger l’espace de survie, donc d’harmonie entre l’organisme et les objets extérieurs, tels sont les mots clés de l’homéostasie au service d’une espèce. C’est sur cette base que pourrait se fonder une interface médiane de soutien et d’aide du sujet.
Il s’agit d’une configuration idéale, qu’ont connue probablement les hominidés dans des temps reculés. Et encore, Neandertal a-t-il disparu, des civilisations entières ont sombré dans l’oubli sous les cendres de leurs propres excès…
« Au fur et à mesure que la conscience humaine est devenue plus complexe et que les fonctions liées à la mémoire, au raisonnement et au langage ont coévolué pour entrer en jeu, d’autres bénéfices dus à la conscience se sont introduits. Ils sont en grand partie liés à la planification et à la délibération. [… ] Il est ainsi devenu possible d’envisager l’avenir et de suspendre ou d’inhiber des réponses automatiques. » (A. Damasio, L’autre moi-même, Odile Jacob, 2010, p. 324)
Ce point de vue inclut les mutations de ce que nous nommons l’espace socioculturel, au sein duquel « l’homéostasie de base – créée de façon non consciente – et l’homéostasie socioculturelle – créée par l’esprit conscient et réflexif – opèrent comme des conservatrices des valeurs biologiques – à savoir des qualités spécifiques attribuées à tous les objets du milieu. Les formes basiques et socioculturelles sont séparées par des milliards d’années d’évolution, et pourtant, elles sont au service du même objectif, – la survie des organismes vivants –, quoique dans des niches écologiques différentes. » (A. Damasio, ibid. p. 37)
À la rencontre des mutations socioculturelles, l’homéostasie de base, fondée, on le comprend, sur l’instinct, a fait place à une homéostasie socioculturelle soumise, elle, à la délibération, au choix par la conscience des meilleurs compromis entre instincts et contingences sociales.
La survie de l’organisme n’implique pas forcément la lutte pour la vie telle que d’aucuns l’ont théorisé, elle inclut aussi la capacité de l’organisme humain d’inventer le futur. Elle peut donc susciter des inventions pour transformer les objets alentours. La créativité découle de cette capacité de l’espèce à se perpétuer. Quand les valeurs morales et sociales contrecarrent l’homéostasie de base il se crée forcément un grave conflit et la survie de l’organisme s’en trouve contrariée, voire menacée. C’est ce qui se produit quand un sujet est soumis à des facteurs de stress de manière constante et répétée dans le temps. Ce point est très important car, face à de nombreux facteurs de stress induits par nos contraintes socioculturelles, le sujet ne peut transformer la réalité physique objective ni en créer une autre. Il sera donc conduit à adopter des formes de défense, de fuites voire d’autolyse.
De nombreux observateurs ont clairement recensé les séquelles de traumas précoces et leur impact dans la vie de l’adulte. Ce point est abondamment documenté. L’approche thérapeutique des traumas l’est beaucoup moins.
Les fonctions de réorganisation qui reçoivent en permanence des informations sur l’état des viscères, des muscles, sur la température corporelle, la composition chimique du sang ; ne peuvent plus agir correctement. Les configurations neurale ou cartes corporelles internes, sont empêchées d’initier les mesures appropriées pour corriger les déséquilibres dangereux.
Et plus le facteur traumatique est ancien, précoce dans la vie du sujet, plus la capacité de l’organisme à réagir sera lésée, parfois, même, soumise à une emprise externe qui induit des conduites toxiques, donc perverties. À ce point, les facultés instinctives primaires, mais aussi la lucidité seront gravement dévoyées – pas forcément anéanties.
Réintégrer les Fonctions Vitales de l’Organisme c’est, chaque fois que possible, mettre en œuvre les moyens qui rendront plus fluides la relation entre les fonctions dites supérieures – la Conscience – et les fonctions archaïques, les émotions, la base instinctuelle dont une partie s’origine aux sources lointaines du vivant.