Liens intimes entre système nerveux et immunitaire
Les neurosciences cognitives avaient déjà compris, à partir de la fin du XXe siècle, que le fonctionnement du cerveau ne pourrait jamais être véritablement compris si l’on ne tenait pas compte du corps dans lequel il se trouve. Cette conception « incarnée » de la pensée implique que notre cerveau entretient à tout moment une relation dynamique avec le reste de notre corps qui est tout entier immergé, si l’on peut dire, dans son environnement physique et social. Bref, on est loin de la comparaisons cerveau / ordinateur où un organe désincarné ne ferait que manipuler les représentations symboliques d’inputs pour en fournir les outputs appropriés…
Mais ce qu’un Henri Laborit ou un Robert Ader pressentait déjà dans les années 1960 ou 1970 semble se confirmer de plus en plus : notre cerveau entretient aussi des liens intimes avec notre système immunitaire. C’est du moins ce que viennent appuyer trois études récentes portant sur la réponse inflammatoire de notre organisme à des conditions sociales stressantes, malheureuses ou même heureuses.
La plus ancienne, publiée en octobre 2009, montrait comment une situation sociale perçue comme menaçante par notre cerveau pouvait mettre en branle des processus inflammatoires passablement néfastes pour l’organisme. Faire un discours ou un test de mathématiques devant un public qui vous évalue peut ainsi stimuler la production de certaines cytokines, des molécules pro-inflammatoires. Or plus un individu avait du mal à gérer le stress dû à l’évaluation par le public, plus sa production de cytokines augmentait.
Une étude qui vient tout juste d’être publiée en juillet 2013 met en évidence un phénomène similaire qui peut affecter une personne souffrant de solitude. On connait en effet l’importance du lien social qui, avec une bonne alimentation, de la stimulation intellectuelle et de l’exercice physique fréquent, constitue un facteur neuro-protecteur important contre le vieillissement du cerveau. Ce que cette seconde étude vient confirmer, c’est comment, chez les personnes seules, un stress aigu peu favoriser beaucoup plus cette cascade biochimique inflammatoire que chez une personne bien entourée socialement. Il s’agit donc d’un mécanisme potentiel expliquant l’observation de longue date que les individus souffrant d’exclusion sociale sont plus à risque pour plusieurs problèmes de santé.