Malgré la multiplication des recherches en neurosciences, il n’y a pas de modèle universellement accepté de l’esprit/cerveau ni de modèle universel sur la façon dont la mémoire fonctionne. Cependant, un modèle pertinent sur le fonctionnement de la mémoire doit être cohérent avec la nature subjective de la conscience et avec ce que l’on a appris des recherches contemporaines.
La prise en compte de la subjectivité dans le souvenir est incontournable et elle implique au moins trois facteurs importants :
Les souvenirs sont des constructions faites en fonction des besoins, des motivations, des influences, etc.;
Les souvenirs sont souvent accompagnés de sentiments et d’émotions voire de réminiscences sensorielles;
La mémoire implique forcément la présence d’une conscience de l’action mémorielle (Schacter 1996).
Quels sont les facteurs susceptibles d’influencer le fonctionnement mnésique voire le rendre plus performants? Les chercheurs en neurosciences ont mis en évidence certains de ces facteurs :
— le degré de vigilance, d’éveil, d’attention et de concentration ;
L’effort conscient de répétition ou d’intégration de l’information améliore les capacités mnésiques. La méditation de pleine conscience – Mindfulness – s’est révélé être un outil particulièrement performant pour améliorer les facultés de concentration et de renforcement de l’attention. On sait que des troubles de l’attention peuvent léser radicalement les performances mnésiques ;
— l’intérêt, la force de motivation, le besoin ou la nécessité;La motivation est un facteur qui favorise la mémoire. Si l’effort conscient de répétition est nécessaire, il doit s’appuyer sur une forte motivation mais aussi sur un investissement affectif important
— les valeurs affectives attribuées à l’objet, l’humeur et le degré d’émotion de l’individu ;
L’état émotionnel lors d’un événement peut influencer grandement son souvenir. Ainsi, devant un événement bouleversant, le transfert est très efficace. Beaucoup de gens se rappellent par exemple où ils étaient quand ils ont appris l’attentat du 11 septembre 2001 ou d’autres catastrophes qui les ont impressionnés. Le traitement mnésique des événements chargés d’émotion fait intervenir la noradrénaline, et ce neurotransmetteur est libéré en plus grande quantité quand notre esprit est tendu ;
— le territoire, le contexte : luminosité, odeurs, bruits, présence humaines, etc. Le contexte présent lors de la mémorisation s’enregistre avec les éléments à mémoriser ;
Nos systèmes mnésiques sont contextuels et reposent sur les organes des sens. face à un trou de mémoire, l’artifice qui consiste à se remémorer le lieu de l’événement s’avère efficace. Ce sont ces indices de rappel qui ne se focalisent pas directement sur l’objet oublié mais qui ramènent à la conscience quelques éléments du contexte. Et comme le contexte est toujours enregistré avec ce que l’on apprend, son rappel nous amène bien souvent, par associations successives, à l’information pertinente
— la curiosité, la variété des stimulations ;
Un environnement stable dont on connaît tous les contours facilite l’endormissement des facultés de concentration, par suite une atténuation des facultés mémorielles. Par contre un environnement riche en stimulation induit la curiosité. La variété des stimulations consolide les sytèmes mnésiques.
— un bon équilibre veille-sommeil.
Nombre d’études ont montré que les animaux et les humains privés de sommeil réussissent mal leurs tâches de mémoire, et la recherche suggère qu’il pourrait y avoir une relation entre la somnolence diurne excessive et les déficits cognitifs. La plupart des recherches favorisant l’importance du sommeil dans la consolidation ont utilisé la mémoire procédurale durant des tests d’actions.
Selon certaines expériences (Drummond, SPA, Gillin, JC et Brown, GG 2001 – Fenn, KM, Nusbaum, HC et Margoliash, D. 2003) il semble que ce soit le sommeil lui-même, pas seulement le passage du temps, qui soit essentiel pour convertir de nouveaux apprentissages en mémoire à long terme.
A contrario l’oubli est un aspect important des sytèmes mnésiques. Et parmi la myriade d’informations qui stimulent l’organisme durant la vie, une sélection s’opère, un tri qui permet de se débarrasser des informations sans utilité pour la préservation de notre équilibre homéostasique. Un trauma induisant une perte de mémoire sur un temps plus ou moins long à partir de l’événement déclencheur serait-il donc un objet inutile, méritant de rejoindre le grand trou des oublis ?
Ces éléments posés, on peut se demander comment un trauma peut induire les troubles mnésiques que nous connaissons – complexe traumatique avec abolition de la mémoire du moment. On se demande également sur quelles bases une action thérapeutique pourrait s’appuyer pour venir à bout de ces troubles… Nombre de thérapies reposent sur la nécessaire réactivation des souvenirs. Or selon une étude (Memory reconsolidation mediates the strengthening of memories by additional learning, Jonathan L C Lee, 2008) la réactivation de la mémoire par ré-exposition à des stimuli précis entraîne sa déstabilisation. Ce qui impose alors d’engager un processus de restabilisation connu sous le nom de reconsolidation, donc le retour de l’amnésie traumatique. C’est ce qui pourrait expliquer pourquoi nombre de victimes préfèrent n’avoir jamais à revenir sur l’épisode traumatique.
Les systèmes mémoriels sont par nature dynamiques et non statiques tels une sorte de stock dans lequel on pourrait puiser. Ils dépendent d’autres sytèmes de l’organisme, le déséquilibre de l’un pouvant déclencher une chaîne de réactions plus globales.